DAKAR 2014
 
 

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J’avais promis d’arrêter de soûler tout le monde, mais depuis, il s’est passé quelque chose.
Cette fois, ma candidature est acceptée pour le DAKAR 2014. Depuis, tout se bouscule. En trois mois, il va falloir trouver le budget, acheter le quad, le préparer et apporter les modifications mais aussi me préparer physiquement. Comme lors des précédents rallyes, j’ai opté pour un quad neuf pour une fiabilité accrue. Je commande en vitesse les pièces indispensables et Mikael, notre mécanicien pour la course s’occupe de la préparation.  Je profiterai des vacances pour traverser l’hexagone de long en large à la recherche des pièces manquantes.
De retour à Saint-Martin, Jean-Charles, notre attaché de presse pour l’ensemble du rallye, se charge de contacter les journalistes locaux pour présenter notre expédition.
Jean-Luc, le patron d’une serrurerie, me confectionne un réservoir additionnel en inox sur le nerf bar gauche et une caisse du même métal du côté droit. Nonoy commande les pneus et Lilian le reste du matériel aux USA. Monster Garage peint le quad en jaune, la couleur que j’ai toujours utilisée en rallye. Raymond s’occupe de la déco avec les logos des sponsors.
Après les derniers essais, on organise une soirée à Saint-Martin le vendredi, juste avant le départ théorique des quads. On travaille tout le week-end pour les mettre en caisse, avant d’apprendre, le lundi, que s’ils partent comme prévu en bateau, ils arriveront probablement en retard au Havre, le port qui sert aussi départ pour les véhicules européens en course. On n’a d’autre choix que de les sortir de caisse afin d’alléger l’ensemble pour un embarquement en avion.

 

Le quad en caisse prêt pour le bateau…pour rien

 

Le jour de notre départ, nous déjeunons une dernière fois en familles sur la fameuse plage de Maho, où sont régulièrement filmés les impressionnants atterrissages et décollages de l’aéroport de Juliana. Notre vol doit faire escale à Miami. Mon enregistrement commence mal car l’hôtesse me signale que les numéros de mon ESTA ne correspondent pas à ceux de mon passeport. Heureusement, un guichet spécifique me permet de mettre à jour le précieux document en un quart d’heure. Ce sont les au-revoir avec la famille et les amis venus nous accompagner.
Après un voyage effectué dans la bonne humeur, dont une partie à faire le zouave équipé des bottes, du blouson et du casque, nous arrivons enfin à Buenos Aires et fêtons gaiment le nouvel an.

Nouvel an dans un restaurant de Buenos aires avec Karl et Mickael

 

Le lendemain, nous faisons connaissance avec le reste du team (et des amis pilotes d’Antoine) qui arrivent directement de Paris.
Le bus réservé par Antoine, le patron du team, nous amène jusqu’à l’hôtel. C’est ici que je plaisante pour la première fois avec le grand Eric, ce sympathique pilote belge qui trouvera la mort quelques jours plus tard.
Au lendemain d’une nuit réparatrice, on récupère nos engins pour les amener aux vérifications administratives et techniques. Ce parcours du combattant consiste à passer de stand en stand (22 pour la partie administrative) afin de valider les documents tels que passeport, permis de conduire, carte grise, licence sportive, formulaire médical, assurance complémentaire et tant d’autres. Ce n’est qu’après validation par tampons respectifs sur le carnet qu’on est autorisé à se présenter aux vérifications techniques. Ici, on  vérifie entre autres, l’homologation du casque, le système d’échappement, les instruments de navigation, l’éclairage…sur 8 nouveaux stands. Après ce dernier sésame, on a droit à la photo officielle qui apparait sur les fiches de chaque pilote. On nous donne aussi le bracelet électronique qui permet d’entrée dans le bivouac et au restaurant de chaque étape. 
C’est lors de cette journée que Claire et Yann font ma toute première interview. Ils m’offriront un second reportage sur ma dernière journée de course. Les images TV raviront famille, amis et sponsors avec en plus une interview réalisée par le légendaire Gérard Holtz dans le bivouac. Je serai le coureur poireau le plus filmé avec tout ça !
Le premier bivouac est organisé sur le circuit de vitesse de Rosario pour y faire les dernières mises au point. Après une journée passée sous la pluie, Mikael, Karl et moi  décidons de partir à l’hôtel. Le bus qui doit amener le team n’est pas encore là mais je vois deux personnes quitter le bivouac dans une vielle RENAULT 12. Je leur demande de nous descendre en ville. Ils acceptent gentiment. Cette voiture d’un autre âge nous rend hilares. Avant d’entrer dans la voiture, nous rangeons nos affaires dans le coffre et constatons qu’un jerrican et un tuyau alimentent le moteur depuis ce coffre. Heureusement, personne ne fume à l’arrière.
Avant la grande parade organisée dans les rue de Rosario, l’ensemble des véhicules inscrits en course doivent se garer au parc fermé. A la fin de la journée, tout le monde se rejoint à la grande soirée organisée par ASO.
Puis, sur le podium du départ, c’est un mélange étrange de bonheur, d’excitation et de sensation d’être tout petit par rapport au nombre impressionnant de spectateurs.
Dès notre arrivée, ce qui est frappant, c'est l'engouement de folie en Argentine où la population n'hésite pas à nous arrêter pour des photos. Les parents vont jusqu'à nous mettre leur bébé dans les bras, même les flics se prêtent au jeu. À la fin, c'est même trop car tout le monde veut autographe et photo. On est comme des stars.

 

La vie de star commence

 

Pour la première étape, le départ est donné à 4h30 du matin. La liaison de plus de 400 KM ne fait que confirmer la passion des argentins pour les sports mécaniques. Une file ininterrompue de spectateurs nous acclame jusqu'au kilomètre 22, puis elle se fait plus disparate mais reste présente aux changements de direction et dans les villages.
La spéciale du jour ressemble à une mise en jambe de 180kms, typée enduro, comportant quelques pièges mais sans grosse difficulté, si ce n’est le dénivelé de 2 000M. Le quad est limité en vitesse de pointe. On a la désagréable surprise de se faire déposer par les motos, bien plus rapides. L’autre avantage des motos est que toutes les pistes leur sont plus adaptées. Les pistes empruntées habituellement par les voitures ballottent les quads de droite à gauche à cause de la largeur différente. Les pistes de type monotrace réalisées par les animaux n’avantagent pas plus les quads. Le plus dur (et ennuyant) étant les longues liaisons pas la route. Celle du matin de 400 kms et la dernière pour rejoindre le bivouac longue de 220 KM, nous font parcourir plus de 800 KM lors de cette première journée.
Au bivouac, avec 2 500 personnes sur place, toutes les infrastructures et les autres véhicules, je mets souvent du temps avant de repérer les camions du team.
 Ma 26ième place au classement du premier jour me fait comprendre qu’il me sera difficile de jouer avec les premiers. 
Après une bonne douche et un passage chez les kinés de l’organisation, je file manger avant de préparer mon road book, puis direction dodo.

La première étape est la seule journée de course ''facile''

La partie chronométrée de la deuxième étape commence par de la piste roulante. Puis les premières dunettes apparaissent, ce que convient bien plus au quad. Je prends un plaisir énorme à rattraper et doubler des motards. En arrivant au pied de la première grosse dune, je n’ai qu’une envie, celle d’en parcourir un maximum. Ma joie est de courte durée car avec la grosse chaleur, le sable ne porte pas du tout. Je manque de me tanker dès la première dune. Je m’en sors en faisant une grande boucle. Les autres dunes me seront aussi difficiles à franchir, à tel point que ce qui devait être le plus plaisant en quad devient une angoisse. J’ai l’impression de ne jamais avoir roulé en quad. Je me demande si mes pneus sont adaptés, si je ne sais pas piloter ou si les dunes sont trop meubles par rapport à celles que j’ai connues en Afrique. Avec les enlisements à répétition, j’ai peur que l'aventure s'arrête dès le deuxième jour. Je réalise que sur cette épreuve, la puissance du moteur peut aider mais que mes pneus ne conviennent vraiment pas. Après quelques dunes passées non sans encombre, je ne vois que deux solutions pour les gravir: attendre la fin de journée pour que la relative fraîcheur rende le sable plus porteur. L'inconvénient, c'est de finir l'étape de nuit. La deuxième solution consiste à passer en force au risque de fatiguer prématurément le moteur et de faire un soleil en sommet de dune. C'est celle que j'ai choisie car je souhaite rentrer au plus tôt sur le bivouac pour me reposer. Sur cette seconde étape, l’ensemble des véhicules parcourent le même tracé. Lorsqu’on se fait rattraper par les voitures, le bruit strident de l’iritrack nous invite à nous ranger sur le côté, après avoir levé le bras pour bien faire comprendre à l’équipage qu’on les a entendus. A l’alerte continue du signalement d’un camion, je n’hésite pas à jeter mon quad loin de la piste principale, de peur de me faire percuter par ces mastodontes.

Tranquille, avant les premières grosses difficultés des dunes

 

La troisième étape a la particularité d'être de type Marathon. C'est-à-dire que les pilotes motos et quads ne peuvent bénéficier d'aucune assistance pour la mécanique.
Cette étape comporte une sorte de montée impossible sur une ligne de crête dont le sommet culmine à plus de
4 000 mètres. Du coup, la puissance qui est indispensable pour avaler ce type d'obstacle est avalée par le manque d'oxygène. Le moteur peine à prendre ses tours. Les locaux me conseillent de dégonfler les pneus arrière pour une meilleure adhérence et retirent le filtre à air pour mieux alimenter le moteur en air. La deuxième tentative est la bonne, même si la marge de manœuvre est faible. Une autre montée nous attend, plus haute mais moins raide. Je perds un temps fou à jardiner, ne trouvant plus mes repaires. Je me demande si mon cerveau n’est pas lui aussi victime du manque d’oxygène à cette altitude. Après une étape de plus à ne pas savoir si j’allais m’en sortir, je rentre enfin au bivouac.
Au briefing, Étienne Lavigne, le patron du Dakar, tient à féliciter l'ensemble des motards et quadeurs à cause de la difficulté de cette étape. Il précise même que c'est la plus dure depuis que le Dakar est en Amérique du Sud. A l’heure du débriefing, 50% des pilotes manquent à l’appel. Le double vainqueur de l'épreuve a dû abandonner, victime de déshydratation et du mal de l’altitude.
Paradoxalement, c'est l'étape où l'on a le mieux dormi. Au lieu de dormir dehors et à terre comme les précédentes nuits dans les tentes, on a droit à un camp militaire avec un vrai lit, toutes les affaires de toilette (y compris la brosse à dents et le dentifrice) et même un pyjama !!!

Altitude : supérieure à 4 000 mètres

 

Pour l’étape 4, c'est toujours l'enfer. Après un départ moyen, je me perds à de multiples reprises.  J’arrive enfin à rattraper quelques concurrents. Le road-book indique qu’il faut suivre une piste monotrace sur les crêtes. On est une vingtaine à jardiner, jusqu’à ce que 2 motards trouvent la bonne voie. On les suit tous. A l’extrémité d’une crête, une descente abrupte ralentit le groupe. La plupart des pilotes s’entraident en faisant glisser les motos jusqu’en bas les unes après les autres. Pour gagner du temps, j’opte pour une autre descente. Cette option que j’imagine géniale se révèle cauchemardesque. La pente vertigineuse et glissante me guide tout droit vers un acacia qui stoppe net mon quad et me catapulte quelques mètres plus bas. Je me relève avec des épines dans les mains, dont une qui ne sortira qu’au bout d’un mois. Certaines ont même traversé mon pantalon. Après avoir perdu une bonne dizaine de minutes à les retirer, je tente à plusieurs reprises de remettre le quad sur les roues, sans succès. Des ‘’bomberos’’ qui passent dans la vallée finissent par me sortir de cette situation délicate.
 Sous le choc, les épines ont aussi percé les deux pneus avant et mon dérouleur de road book est détruit. Sans cet instrument de navigation, je n’ai d’autre choix que suivre les concurrents, même si j’ai toujours préféré rouler en solo. Lors de l’arrêt ravitaillement, j’en profite pour redresser le dérouleur de road book. J’arrive à le faire fonctionner manuellement avec les roulettes. Cette méthode m’oblige à m’arrêter à chaque note importante. A mi parcours, j’aperçois une sorte de prairie bien verte derrière une clôture. Le road book précise qu’il faut longer cette clôture par la droite. Mon instinct joueur me dirige vers le centre de cette verte prairie. Je constate alors que les roues ont tendance à s’enfoncer. J’accélère donc pour me sortir de ce piège, mais plus j’avance, plus le quad s’enfonce, jusqu’à l’arrêt complet. Je suis fou de rage contre moi-même et descend du quad pour le pousser mais rien n’y fait. Je crie ma colère en espérant que des paysans m’entendent. Sans succès. Je prends alors mon temps pour  réfléchir, m’hydrater et alléger le quad dans l’espoir d’une aide extérieure. Pour le troisième jour consécutif, j’ai l’impression que la course s’arrête pour moi. Le DAKAR est réellement plus difficile que les rallyes auxquels j’ai déjà participés. En descendant du quad, l’eau noirâtre et malodorante du lisier monte jusqu’aux genoux. Après une demi-heure de désespoir, je vois deux motards. Je leur fais des signes pour qu’ils me viennent en aide. Le premier s’arrête et le second poursuit sa course quelques mètres avant de s’arrêter net sur une zone de lisier. J’ai déjà préparé une sangle pour nous sortir de ce mauvais pas. Après deux tentatives, j’atteins enfin la terre ferme. Je suis heureux de pouvoir continuer l’aventure. J’aide à mon tour l’autre motard, me rhabille, remets en place l’équipement sur le quad et reprends la course. Durant toute cette étape, je galère aussi énormément dans les rios à cause de la direction très lourde et la garde au sol est diminuée de moitié car mes pneus avant sont à plat.
La nuit tombe et je ne veux surtout pas perdre de temps. En effet si mon dérouleur est manipulable manuellement, il ne me sert plus car son système d’éclairage est mort. Après un arrêt planté sur une grosse roche, j’aperçois deux feux rouges à une centaine de mètres. Ce sont des motards retardataires. De rage, je trouve la force pour sortir de ce piège afin de les suivre. Ils sont à ma connaissance les derniers, donc ma seule chance de m’en sortir. Avec les pneus avant à plat, le train avant (ainsi que la partie basse du quad) tapent contre les rochers en surface. Le quad et mes bras n’apprécient pas.
Depuis la deuxième étape et la chaleur éprouvante, je m’oblige à boire plus que de raison, à tel point qu’après avoir rattrapé les deux motards, j’ai une envie pressante, mais je sais pertinemment que si je m’arrête deux minutes, je les perds de vue et la course est finie pour moi. Je me retiens autant que possible, mais la gêne devient trop importante. Pour conserver les feux arrière des deux motos en ligne de mire, je ne vois plus qu’une solution ; me pisser dessus, sans m’arrêter. J’ai l’impression de retourner à la petite enfance, mais le soulagement est plus important que la honte. Sauf qu’au bout de quelques minutes, la même envie me reprend. Il fait nuit et la température est bien descendue, du coup, je ne transpire plus. Toute l’eau que j’ai ingurgitée se transforme ainsi en urine. Je regrette alors d’avoir autant bu. Je serai obligé de renouveler l’inavouable opération à cinq reprises.
Je suis les deux motards pendant plus d’une heure. Heureusement, le quad permet de rouler à plat jusqu'à la fin de spéciale.
Je rentre épuisé au bivouac à 1h30. J'apprends que mon copain Karl a roulé toute la nuit suite à des galères. Il arrive à 11h00 du matin donc trop tard et il est mis hors course. Le rallye s'arrête pour lui mais il garde le moral.
De mon côté, je file à la douche car je sens trop le…bébé

Rapide petit déjeuner avant le départ...très matinal

 

Le calvaire continue dans lors de la cinquième étape. Le tracé est épuisant dans les canyons et dans les dunes à cause des traces des camions. Je reste d'ailleurs tanké dans les dunes sans entrevoir la possibilité d'en sortir. J'épuise mes dernières forces avant de me sentir mal. C'est la première fois que j'ai très chaud. Le directeur de course avait annoncé 40 degrés. On apprendra plus tard qu'on a atteint 50 degrés par endroit. Le moindre mouvement comme celui de récupérer mon sac de ration me demande des efforts incroyables. Je finis par contacter le PC course pour une assistance médicale. On me demande de prendre mon mal en patience, en attendant l’hélicoptère car de nombreux motards sont dans mon cas. Je me réfugie dans la couverture de survie et me repose. L’organisation ordonne à tous les concurrents autos et camions de lancer des bouteilles d’eau aux motards et quadeurs arrêtés le long du parcours. Dans mon état, je n’arrive à attraper que les bouteilles lancées à moins de trois mètres. Au bout d’un moment, l'hélicoptère se pose à 300 m de moi. Le médecin à bord me rejoins et me requinque tout en me conseillant de rester allongé sous la couverture de survie jusqu’à l’arrivée de Tango 6 qui pourra m’aider. Tango 6 passe finalement dans le coin et me sort de cette délicate situation en me tractant sur quelques centaines de mètres jusqu’à une zone plus porteuse.
À 50 kms de l'arrivée de la spéciale, des locaux me font des signes avec une bouteille d’eau fraiche dans la main. Au vu de mes piètres performances, je décide de m'arrêter. Quatre papis argentins m'invitent à manger un délicieux cabri qu'ils viennent de préparer sur un BBQ improvisé. C'est mon meilleur repas. Je repars un peu revigoré. 

Improvisé en course, sans hésité mon meilleur repas

 

J’arrive jusqu’à la fin du secteur chronométré mais  je sens que le moteur est fatigué. Plus tard, lors de la liaison, que je parcours avec un autre quadeur, mon engin s'arrête net sur le bord de la route. Un argentin chaleureux s’arrête en pick-up et m'amène jusqu'au bivouac. Après avoir trouvé (non sans difficulté) le camion du team, je réveille Mickael, mon mécano et lui explique le problème. Sans hésiter, il réveille à son tour Dominique, un autre mécano. Ils démontent le haut moteur pour remplacer le piston qui est percé. Il est quand même 5 heures du matin, je ne peux dormir qu'une heure trente avant le départ, mais je repars !! Mikael me prévient d’un bruit au niveau de la chaine de distribution.
La sixième étape est facile sur le papier. Il faut seulement parcourir 424 kms juste avant la journée de repos libératrice.
Pour ne rien gâcher les paysages qu'on voit défiler sont magnifiques. Ici, plus de désert mais une piste unique tantôt ocre, tantôt rouge. Pour la 1 ère fois depuis plusieurs jours et malgré la fatigue, je prends plaisir à rouler et regarde le paysage. Le piston, les segments et le cylindre ont été changés hier mais Mickael me dit de ne pas trop tirer sur le moteur car il a détecté un bruit qui semble provenir de la distribution. Je roulerai donc cool.
Mais lors du ravitaillement, le bruit devient vraiment trop fort. J'appelle donc Mickael qui me dit de tendre la chaîne de distribution. Les ravitailleurs de chez Total se chargent de l'opération en une heure et me voilà reparti pour une trentaine de kilomètres avant que le bruit ne reprenne de plus belle. Je dois absolument rejoindre le départ de la deuxième spéciale, mais le moteur n’en peut plus. N’arrivant pas à démarrer, je demande à un local me tracter jusqu’à la ligne de départ.
Voyant que mon quad ne démarre pas, les commissaires de course appellent le PC COURSE pour donner l'autorisation de me laisser prendre le départ. Premier refus pour des raisons de sécurité. Une autre demande au directeur de course sur place, et c'est un autre refus pour la même raison : cette fois, la course est  définitivement terminée pour moi.
Ma déception est grande bien sûr. Le quad aurait pu être bien retapé (et moi aussi) durant  cette étape repos tant attendue. Mais c’est la dure loi du rallye.
Il va faire nuit et je dois retrouver une partie de l'équipe à Salta où doit se passer cette fameuse étape repos. Le quad part dans le camion balai et moi,  je me fais prendre en stop par une bande de spectateurs un peu alcoolisés dans une voiture style sport des années 70. Le pot d'échappement frotte sur la route tout le long du trajet. Malgré la déception, je retrouve ma bonne humeur avec ces compagnons de route atypiques. Ils s'arrêtent à chaque bouiboui en bord de route pour boire un coup, avant de me déposer dans un village où je peux prendre un bus local jusqu'à la province de Salta.
Les locaux qui sont dans le bus voient mon équipement et me traitent comme une star alors que le rallye est terminé pour moi. C'est à ce moment-là que j'apprends la terrible nouvelle qui me fait tout relativiser: Eric, le sympathique pilote belge rencontré au début du rallye a été retrouvé mort de déshydratation ou d’hyperthermie.
J’arrive tant bien que mal à l’hôtel réservé pour la journée de repos où je retrouve mes compagnons Karl et Mickael. J’ai du mal à marcher et j’enlève péniblement mes bottes. Je comprends aussitôt la raison de mes douleurs aux pieds durant cette dernière étape qui m’obligeaient à passer les vitesses à la main: chaque orteil est orné d’une énorme ampoule. Le médecin me posera des fils pour drainer. Il me dit avoir rarement vu ça. Je ne pourrai pas enfiler de chaussures pendant plusieurs jours et garderai des séquelles pendant deux semaines.
Après la déception de ma mise hors course, c’est une autre vision du DAKAR que je découvre. J’ai la chance de pouvoir continuer l’aventure dans le fourgon de notre team qui va de bivouac en bivouac, afin d’assister Sergeï, le seul rescapé du groupe. Cette nouvelle expérience, moins stressante, permet de s’imprégner d’avantage de l’esprit bivouac. En arrivant parmi les premiers, on choisit son emplacement, on bénéficie des toilettes immaculées, des douches avec suffisamment de pression. On prend son temps pour consulter les classements en temps réel et les vidéos disponibles sur les grands écrans. Les stands des localités qui nous accueillent proposent des boissons, massages et gadgets. On peut aussi flemmarder sous l’auvent d’une célèbre boisson énergétique, bref tout le contraire de la vie en course.
Je me rends compte que plus on avance dans le rallye, plus l’ambiance entre team est sympa. . On se retrouve un peu comme en famille On attire aussi beaucoup de monde en organisant des TI-PUNCH PARTY.

Les stars à une TI-PUNCH PARTY

Les bivouacs sont aussi rythmés par le bruit des engins qui démarrent, les équipes qui discutent et réalisent des essais parfois jusqu’à tard dans la nuit. Difficile de dormir vraiment.
Le lendemain de mon abandon, devant mes difficultés pour marcher, Karl pique une golfette pour nos déplacements. Le bivouac est énorme et les distances peuvent être importantes d’un stand à un autre. Plus tard, le propriétaire de cette golfette me repère facilement (il faut dire que je suis un des seuls blacks) et m’engueule copieusement. C’est vrai que ce n’était pas très correct … mais bien utile !
Les derniers jours au Chili se suivent dans une ambiance bon enfant, jusqu’au podium d’arrivée qui nous permet de faire un triomphe à Sergeï, arrivé septième au classement général des quads.
La séparation avec le reste du team me rappelle la fin de colonie de vacances.
De retour aux Antilles, j’ai le double sentiment de bonheur de retrouver mes proches et de regret de ne pas avoir pu  terminer cette course. La remise dans le bain est compliquée car ma tête est restée en Amérique du Sud. Est-ce que je deviens fou en préférant l’enfer de là-bas au paradis des Antilles ???

 
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Petits bobos aux pieds...à soigner dès le retour
 

Je remercie ceux qui m’ont aidés à vivre cette aventure :
Par ordre alphabétique des sponsors : ALUBARTH, ALUROLLER, AQUADREAM, BIBAPOOLFRY, BNP Paribas Guadeloupe, BOIS-INOX, C.C.D., CLIMATECH 87, CONCEPT, DESIGN WORKSHOP, EGBFM, FAGAL, Jean-Charles PUJOL, KING PNEU, KIKUYU, LE JOURNAL DE SAINT-BARTH, LESAFFRE, LKJ, MATYS, METAL CONCEPT, MIC TECHIPOOL, MONSTER GARAGE, NORDELEKTRON, PATI De St-Barth, Philippe et Nany, PM COMPANY, PRINT & GO, PSR, QCF SAS, R.M.P. CARAIBES, SAMIVER, S.A.S., S.C.E., SIAPOC, SM COMPANY, Stéphane PELLUCHON, 123 COULEURS, VORTECH

 
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